Devant la cathédrale [Elektra]

La cathédrale. Lieu saint où les bon chrétiens sont libres de venir prier pour ceux qui leur sont cher, ainsi que se repentir de leurs péchés. Où les croyants peuvent vénérer leur Dieu et lui demander de bonnes faveurs. Où les démons et mauvais esprits sont interdit d'accès. Et pourtant... Je me retrouvais là, agenouillée sur le petit coussin, les coudes appuyés sur le dossier de la rangée nous devançant, et la paume de mes mains s'embrassant parfaitement. Je fermai les yeux et penchai la tête vers l'avant; j'étais maintenant prête à faire ma prière silencieuse en l'honneur de mes parents. Puis, après avoir passé cette étape, je me dirigeai vers les cierges et en allumai deux l'un à côté de l'autre. Vous me manquez tant, pensai-je. Tout cela, je le fis néanmoins assez rapidement. C'était un peu étrange, mais je ne me sentais pas tout à fait à mon aise dans ce lieu sacré plongé dans un silence noir. C'était comme si quelque chose à l'intérieur de moi me disait de partir, car je n'étais pas la bienvenue ici. C'était la première fois que cela m'arrivait - c'était aussi la première fois que j'entrais dans une église depuis ma transformation. Après un certain moment, je commençai même à me sentir légèrement étourdie. Mon cœur commençait à pomper plus rapidement et ce, sans raison. Ayant de toute façon fait ce que j'avais à faire dans le bâtiment, je sortis avec hâte vers l'extérieur et pris une grande inspiration. Voilà qui est mieux, me dis-je.

Lentement, je descendis quelques unes des marches qui menaient à la cathédrale, avant de m'asseoir sur l'une d'entre elles qui ne semblait pas trop sale. Je repensai à ce que j'avais ressenti quelques minutes plus tôt, et secouai ensuite la tête. Non, c'était absurde. Ce n'était pas comme si j'étais réellement une vampire, telle les créatures de la nuit que l'on retrouve souvent dans les écrits et les films ! Je n'avais pas peur des rayons de soleil - la preuve, j'y étais plongée - et les objets sacrés genre les crucifix et l'eau bénite ne m'affectaient en aucun cas. Et comme je n'étais pas immortelle et que la mort m'attendrait un jour à bras ouverts, cela signifiait que Dieu voulait encore de moi... Alors quoi ? Je me faisais des frayeurs pour rien ? Probablement.

Je respirai un grand coup pour la seconde fois et laissai mes longs cheveux sombres virevolter un peu n'importe comment dans le vent. Ce n'était qu'une brise fraîche qui faisait du bien lors des jolies journées chaudes et ensoleillées. Je n'avais pas grand chose à faire aujourd'hui, ce qui était bien car je pouvais pour une fois permettre à mon esprit de faire le vide, de ne penser à rien concernant les travaux scolaires, les problèmes, et le reste. Je pouvais me détendre, simplement.

Je fixais les statues de pierres au pied des escaliers et les adolescents enjoués mettant en place leur nouvelle bêtise sur la tête de l'une d'entre elle. Je voyais le chien d'une vieille dame se soulager sur la pelouse d'en face et suivis des yeux un homme d'affaire entrer dans la cathédrale un téléphone cellulaire à la main. Je ne les voyais qu'en surface cependant, car la moitié de mon cerveau n'avait pas envie de réfléchir. Cela vous est-il déjà arrivé de ne penser à rien, de ne pas avoir le goût de se parler intérieurement ? J'étais présentement dans cet état-là, ayant l'impression de n'être qu'une simple coquille vide qui n'avait rien à faire de sa vie. Mais bientôt, une sensation d'assèchement commença à s'emparer du fond de ma gorge; si j'attendais trop longtemps, mon système entier allait me faire souffrir pour obtenir ce qu'il désirait. Du sang. Humain. Parce que mon corps n'était plus capable de fabriquer sa propre hémoglobine depuis l'opération, je devais refaire le plein à partir de l'extérieur. Ce n'était pas un très bon signe car quand je devenais trop affamée, je me faisais plus irritable qu'à l'ordinaire et pouvait sauter sur ceux que je considérais comme étant mes ennemis. C'est-à-dire eux qui me contredisent et qui n'adhèrent pas à ma façon de penser. Une lueur rouge et sauvage illumina mes iris habituellement très foncés et, ayant en vue un petit garçon égaré plusieurs mètres au loin, me prépara à me redresser et à marcher machinalement vers ma proie. Un coup dans le dos me sortit toutefois de cette phase hypnotisante et je secouai la tête. Lorsque je revins à moi, ce fut à temps pour voir une jeune femme, visiblement plus âgée que moi, faire une pirouette pour retrouver son équilibre dans les marches. Vive, tous sens en alerte, elle se retourna vers la bâtisse sainte afin de voir ce qui l'avait fait trébucher. Je sentais dans son regard une certaine haine et peu de sympathie. Les paroles qu'elle me lança - ah, c'était ça le fameux coup - purent confirmer ce mauvais caractère.

« Tu aurais pu te mettre ailleurs non, tu veux tuer quelqu'un en restant plantée là? »

J'aurais déjà tué quelqu'un si tu ne m'aurais pas empêchée de me déplacer, eus-je impulsivement envie de répondre. Mais je gardai le silence un moment, dévisageant sans gêne cette femme chez qui la politesse ne semblait pas avoir beaucoup de signification. Je me remis ensuite sur mes deux pieds, retenant un rugissement animal exprimant la colère et l'indignation. De nouveau, mes iris avaient viré au cramoisi. Je sentais parfaitement mes crocs dans ma bouche cette fois, et ô combien j'avais envie de m'en prendre à cette étrangère ! Peu importe le public et le lieu où nous nous trouvions, le désir de goûter à son sang me torturait. Mais je ne devais pas... Je mordis la lèvre inférieur si fort qu'elle en saigna, et j'avalai ma propre substance. Puis, d'une voix menaçante et oubliant à mon tour la politesse, je lui ordonnai de partir. Car je lui laissais une chance, à cette pauvre gymnaste humaine qui se prenait pour je ne sais qui.

« Efface-toi de mon champ de vision. Immédiatement. Et croit moi, on a intérêt à ne plus se croiser. »

J'avais parlé à voix basse de sorte à ce qu'elle soit à seule à m'avoir entendue. En temps normal, je n'étais pas aussi bête avec les gens. Sauf que là, elle l'avait cherché. N'aurait-elle pas simplement pu s'excuser et partir ? Mais non, elle devait faire son numéro.